top of page

INTERVIEW AVEC OUATE-PARIS.COM

Juin 2020

Pouvez-vous vous présenter ?


J’ai connu les ateliers Parler/Ecouter (selon A.Faber et E.Mazlish) en 2006, quand mes garçons avaient 6 et 3 ans, à une période où je vivais beaucoup de conflits avec eux, j’étais un volcan très actif et je les rendais responsables de mes colères, car avant d’être maman j’étais très calme ! J’ai rencontré par hasard dans mon village de Provence une maman, médecin scolaire, qui rentrait des Etats-Unis avec cette approche sous le bras et j’ai fait partie de son tout premier atelier en 2006. J’y suis allée avec pas mal de résistance au départ, cherchant surtout un prétexte pour sortir de la maison, puis doucement cette approche a révolutionné ma vie et embelli mes relations.

Pouvez-vous nous parler de l'approche Parler/Ecouter ?

 

C’est une approche qui vient des Etats-Unis, fondée par Haïm Ginott, instituteur puis psychologue, qui s’est penché sur les comportements difficiles des enfants. Il est parti du constat que « quand un enfant se sent bien, il se comporte bien ». Convaincu que les enfants s’imprègnent de leur environnement, il s’est intéressé aux adultes qui les accompagnent au quotidien : les parents. Il a ainsi proposé des conférences aux parents, auxquels Adele Faber et Elaine Mazlish, deux mamans de familles nombreuses vivant à New-York, ont pu participer. Après le décès de Haïm Ginott, elles ont décidé de compiler les outils dans un premier livre « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent ». Cette approche nous propose des outils humanistes très concrets pour mieux communiquer en famille, pour mieux comprendre les besoins de chacun derrière des comportements difficiles, dans le respect de l’autre et de soi, et ainsi apaiser les relations.

Nous y abordons les thèmes de l’accueil des émotions de l’enfant, comment susciter sa coopération, comment favoriser son autonomie, nourrir son estime de soi, le libérer des étiquettes qu’on lui donne... Chaque thème représente une séance de 2h30 environ, tous les 15 jours, ce qui permet de pratiquer à la maison. Le groupe de 8 à 12 personnes bénéficie ainsi des expériences des uns et des autres, chemine ensemble.

Qu’est ce que la communication bienveillante ?


C’est un terme très à la mode aujourd’hui ! et c’est bien normal puisqu’il est mis en valeur par les découvertes des recherches en neurosciences et neuro-imageries des vingt ou trente dernières années, et dont nous avons la chance de bénéficier, notamment sur le développement cérébral de l’enfant. Nous savons aujourd’hui que la bienveillance, l’empathie, le respect, la tendresse, les câlins, l’écoute, le jeu, prendre soin de l’autre, tout cela permet à l’enfant de se développer et de mieux apprendre, pour devenir ensuite lui-même un adulte empathique, conscient et responsable. On sait aujourd’hui qu’un enfant en situation de stress (cris, menaces, humiliations, etc) aura une maturité cérébrale ralentie par la sécrétion d’hormones toxiques, et qui, si leur sécrétion est prolongée, empêchent certaines connexions neuronales, induisent des dysfonctionnements synaptiques, pouvant parfois aller jusqu’à l’atrophie de certaines zones cérébrales.


La communication bienveillante, je dirais que c’est surtout une posture, celle de l’adulte accompagnant, qui peut apprendre à être stable, disponible, sensible, à l’écoute de l’autre et à l’écoute de lui-même. Certes nous ne sommes pas tous disposés à offrir cette posture, moi la première ! Ça engage un profond travail sur soi, de prendre soin de ses blessures pour ne pas projeter ce qui nous a blessé sur l’enfant que nous accompagnons. En prenant soin de nos blessures, nous évitons les projections ; ainsi nous évitons les attentes, donc les déceptions, et offrons à l’enfant la liberté de grandir en tant qu’être unique, avec sa vraie nature et dans un élan véritable et joyeux.

Quels sont les outils pour apprendre à accueillir les émotions des enfants ?


Avant de lister les outils, je dirais que nous manquons principalement d’information sur les émotions. Elles sont une réaction physiologique face à un stimuli extérieur. Je ne peux donc pas les contrôler. Il n’y a pas d’émotion négative ou positive, l’émotion est juste agréable ou désagréable, elle renseigne qu’un besoin est satisfait ou non (besoin de confiance, d’harmonie, d’ordre, de nourriture, de repos, de paix, d’amour, de tendresse, d’évolution, d’intégration... tous les humains ont les mêmes besoins à des instants différents !).


Les outils principaux sont l’écoute active (on parle trop, ou on écoute juste pour répondre !), le non-jugement, l’empathie, auxquels s’ajoute l’observation : en me taisant, j’ai la possibilité d’observer ce qui se passe en moi à cet instant, ce qui peut déjà aider à diminuer mon stress face à la situation. Et enfin l’outil que nous apprenons est de pouvoir nommer l’émotion. On n’a tellement pas été habitué à dire ce qu’on ressent ! Ce qui est magique, c’est que quand je me tais, je donne à l’autre l’espace pour s’ex-primer. L’« E-motion » : c’est un mouvement vers l’extérieur. En la nommant, la criant ou m’agitant comme le font les petits qui ne parlent pas encore, l’émotion désagréable peut sortir pour ne pas s’imprimer dans le corps. Le petit enfant vit un déluge d’émotions, car son cerveau n’est pas mature. Son cerveau limbique, le siège des émotions, prend beaucoup de place, l’enfant est « noyé » dans un tumulte émotionnel, ça ne sert à rien de lui demander de se calmer. Il ne s’agit pas de consoler ou d’éteindre l’émotion, ni de trouver une solution à tout prix, il s’agit d’accueillir avec un regard, une présence soutenante, des mots, en disant : « Tu es vraiment fâché là, ce que tu vis est difficile ». Petit à petit, l’enfant se sent reconnu dans ce qu’il vit, son ballon émotionnel diminue et il peut à nouveau avoir accès à ses capacités cognitives, réfléchir, écouter, élaborer, ou juste passer à autre chose en étant plus léger.

Un petit exemple que je peux citer : je tenais un stand à un salon, il y avait du monde, du bruit, les parents étaient accompagnés de leurs enfants qui avaient du mal à rester attentifs et calmes. Une maman s’est approchée de mon stand, elle tenait une toute petite fille d’environ 5-6 mois, qui se tortillait dans ses bras, manifestant son impatience et son énervement. La maman essayait de la balancer tout en me parlant, et la petite fille se cabrait encore plus. J’ai regardé le bébé avec empathie et lui ai dit « oh la la, je vois que c’est difficile d’attendre, avec tout ce bruit et cette agitation autour ! ». Elle s’est immédiatement arrêtée, m’observant avec des yeux ronds, puis ayant vraisemblablement compris mon message, a émis un grand sourire et s’est blottie dans l’épaule de sa maman, reconnue dans son stress et apaisée.


En atelier, accueillir les émotions requiert une séance de 3h et de la pratique à la maison, c’est un vrai travail d’apprentissage ! C’est de cette séance que découlent les autres, car on ne peut pas entrer en relation avec l’enfant si on ne s’est pas d’abord connecté émotionnellement avec lui.

Une routine apporte-t-elle un réconfort et un ancrage particulier dans la structure des repères des enfants ?

 

Certainement, surtout chez les tout-petits. En plus du réconfort et de l’ancrage, la routine offre de la sécurité, c’est un des premiers besoins physiologiques du nouveau-né, avant même la nourriture. Il va chercher la sécurité auprès de sa figure d’attachement, pour pouvoir mieux explorer le monde autour de lui. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, ses besoins évoluent, alors la routine peut aussi évoluer. On peut la co-construire avec lui, il sera plus enclin à coopérer en devenant acteur. La routine devient un « cadre » sécurisant.

L’utilisation quotidienne de soins ergonomiques peut-il participer au bon développement physique et physiologique des enfants ?


Quand l’utilisation est quotidienne c’est une chance ! elle peut parfois être vécue comme une contrainte si l’enfant se sent forcé. Il y a des enfants avec une grande sensibilité kinesthésique (enfiler un simple polo avec col et boutons peut être très inconfortable sur la peau !), il est parfois nécessaire de l’identifier et de proposer avec douceur et respect.


De façon générale, pendant la grossesse, l’enfant se construit dans le ventre de sa mère avec des contacts physiques permanents. Quand il naît, il est important de conserver cette proximité grâce au contact visuel, aux sourires, aux massages (on évite les chatouilles !), au portage physiologique. Cela favorise l’attachement qui est un socle puissant à l’épanouissement de l’enfant.

Comment l’apprentissage de prendre soin de soi approfondit l’estime de soi?


Un enfant apprend en imitant. Quand le parent (ou la fratrie qui l’entoure) prend soin de sa propre personne et prend tout autant soin de l’enfant (tout en respectant son intimité ou parfois ses refus, car c’est ainsi que l’enfant va apprendre que son corps n’est pas un objet à la disposition de l’autre), l’enfant va intégrer cette ressource et s’auto-aimer. S’aimer inconditionnellement est un des trois piliers de « l’estime de soi » (les deux autres étant la vision de soi et la confiance en soi). Le regard inconditionnel, les mots et les attentions qu’offrent l’environnement familial, sociétal, colorent les relations et vont remplir le réservoir affectif de l’enfant, en posant une empreinte indélébile dans l’estime de soi de l’enfant.


Plus largement, j’aimerais évoquer le fait que nous faisons partie d’une chaîne : j’apprends à prendre soin de moi si, dès l’enfance, mon entourage m’a apporté cette attention, et si j’ai également vu mes parents prendre soin des tout-petits, des animaux, de la nature environnante, etc. Si l’enfant voit un adulte qu’il aime, rosser un chien ou piétiner rageusement une colonne de fourmis, le message deviendra incohérent : je peux faire mal à plus petit que moi. Que va-t-il m’arriver si je suis enfant ? L’estime de soi risque d’être endommagée. Prendre soin de soi exige un langage cohérent avec tout ce qui nous entoure.

Quels sont les mots qui encouragent les enfants à se complimenter eux-mêmes et à prendre conscience d’eux-mêmes ? (Dans la maîtrise d’une routine de soins)


Je répète que c’est important de modéliser, l’enfant a besoin de cohérence. On ne peut pas le forcer à mettre une crème si on ne le fait pas déjà pour soi. Comme le petit apprend en imitant le grand, le grand peut montrer à l’enfant combien c’est agréable et joyeux de s’accorder du soin. Par exemple à travers le jeu (qui est un moteur très puissant pour apprendre et pour être en lien), en parlant de ses ressentis ou encore de ce que le soin apporte :

- « Je me sens vraiment détendu.e après ce soin, j’ai tellement aimé ! »,

- « Comme j’adore cette crème et prendre le temps de me masser, ça me fait m’aimer plus ! »

- « J’aime porter cette odeur toute la journée, ça me fait penser à toi »

- « Tu me fais un petit massage sur le bras avec cette crème ? » 

- « Regarde, c’est tout doux, c’est comme toi, j’adore »

- « Un peu d’écran solaire pour protéger ma peau, elle me remerciera ce soir ! »

- « Je suis heureu.x.se de t’offrir ce lait pour le corps, c’est ma façon de te dire que tu es important.e pour moi. » (à un.e ado par exemple)

- « Merci pour ce petit moment tous les deux, ça m’a fait du bien, je vais super bien commencer ma journée ! ».

Grâce à ces mots doux, l’enfant apprend à s’auto-complimenter et à s’aimer.

Avec le tout-petit, essayons de nous offrir un temps de connexion, de qualité, lors d’un massage, et si ça n’est pas tous les jours ça peut être un moment du week-end.


Avec le plus grand, proposons de co-construire une routine : « Quel est le meilleur moment pour toi ? », « Comment souhaites-tu t’y prendre ? » « Tu préfères en mettre le matin ou le soir après la toilette ? », « Tu m’en mets dans le dos et après c’est moi ? 


Si on peut vivre et transmettre de la joie dans ces moments là, on a tout gagné. Acceptons aussi d’oublier la séance, de lâcher sur la façon dont la crème est appliquée, il ne s’agit pas de perfection mais d’expériences et de connexions !

Où trouver toutes les informations relatives à l'approche Parler/Ecouter Faber Mazlish pour se joindre à un atelier ?

Les ouvrages et les ateliers se trouvent sur le site de : https://fabermazlish-aep.com

Les ateliers animés en pays francophones sont répertoriés sur https://fabermazlish-aep.com/rezoanimation/

Le premier atelier s’intitule « Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent » - 7 séances pour apprendre les bases.

Puis viennent : « Frères et soeurs sans rivalité »

et enfin pour les Enseignants : « Parler pour que les enfants apprennent à l’école et à la maison »


Quant à moi, j’anime des ateliers en Gironde et Dordogne : https://www.anne-partridge.com

bottom of page